Ce projet de livre est né en 2023 alors que je venais de prendre mes fonctions de Directeur de la Communication de la Ville de Riom. Cette charmante ville du Puy-de-Dôme de 20000 habitants et dotée d’un patrimoine exceptionnel, abrite en son sein deux friches carcérales, théâtres d’événements historiques marquants durant la Seconde Guerre mondiale. D’éminents parlementaires dont Jean Zay, alors Ministre de l’Éducation Nationale et des Beaux-Arts, et le Général de Lattre y ont été incarcérés. Le très célèbre Procès de Riom avait d’ailleurs fait couler beaucoup d’encre en 1942 avec comme personnages principaux Léon Blum et le Maréchal Pétain.

Un vaste projet de revitalisation de ces friches carcérales était alors au centre de toutes les préoccupations et la Municipalité menait une séquence mémorielle très dense. Par la force des choses, me voilà totalement immergé dans ce projet passionnant et inspirant, accompagné de Geoffrey Neyrat, Directeur de Cabinet du Maire et Fabien Dugour, Chargé de projet Cœur de Ville. Retracer la vie et le parcours d’anciens détenus des prisons de Riom, valoriser leurs actions, entretenir leur mémoire… Tous ces projets rythmaient mon quotidien. J’ai entre autres participé à l’organisation d’un Colloque mémoriel en juin 2023, à l’élaboration de nombreuses expositions mais également au tournage de trois courts métrages de reconstitution, allant jusqu’à incarner le Général de Lattre et, ironie du sort, un officier SS (qui n’en était finalement pas un puisque je jouais le rôle d’un résistant déguisé qui avait contribué à l’évasion de nombreux détenus de la Maison d’arrêt de Riom en août 1944).   

À l’occasion de la préparation d’une exposition dédiée à Marcel Bernard, un ancien résistant riomois arrêté et incarcéré à la Maison d’arrêt de Riom, j’ai pu manipuler d’anciens documents et échanger avec ses enfants et sa petite-fille. Ce moment très fort en émotion fut très certainement un déclic…

Je consacre mes journées à retracer l’histoire de certains héros de la Seconde Guerre mondiale et dans le même temps, j’ai la chance de disposer, chez moi, d’un matériel conséquent que mon grand-père a soigneusement conservé. Ce vieux cartable en cuir noir que j’avais remisé se rappelle à moi et je sens qu’il est temps de rallumer la flamme du Souvenir. Il renferme les mémoires manuscrites de Jean Lerot, ses correspondances avec sa famille alors qu’il était en prison, des documents administratifs, de vieilles coupures de journaux, des photos, des objets, des médailles et surtout, les preuves de l’engagement et du courage d’un gosse de 19 ans qui croyait en la Liberté.

Je ne crois pas au destin et je n’imagine pas un instant que des forces mystiques auraient pu me pousser à réouvrir ce cartable mais au moment où j’écris les dernières lignes de ce bouquin, nous sommes en 2025… l’année qui commémore les 80 ans de la Libération des camps nazis et de la Victoire du 8 mai 1945. Mon grand-père avait justement pris l’habitude de marquer à sa façon les décennies de ces commémorations. En 1995, à l’occasion des 50 ans, il avait rédigé le premier tome de ses mémoires. En 2005, pour les 60 ans, il termina son œuvre, en y consacrant un large volet à sa déportation et organisa une exposition à l’occasion d’une commémoration proposée par la commune de Larche en Corrèze où il résidait. Ce sera sa dernière contribution puisqu’il s’éteindra le 1er janvier 2008 à l’âge de 86 ans. J’avais 26 ans à l’époque et j’avais encore en mémoire toutes ses interventions dans mon école, mon collège puis dans mon lycée. Il avait d’ailleurs été d’un grand soutien en 1997 lorsque j’ai participé au Concours National de la Résistance. Il s’était donné pour mission de sensibiliser la jeunesse à la nécessité de préserver les valeurs pour lesquelles il s’était battu pendant la guerre et illustrait souvent ses interventions avec des histoires marquantes comme celle du Réseau Louis Renard, un groupe de résistants vendéen déporté à la Prison de Wolfenbüttel et dont les 10 membres ont été décapités dans cette même prison en 1943. Jean Lerot avait d’ailleurs été le témoin oculaire de l’entrée du groupe dans la « Petite Maison », lieu d’exécution où « trônait » la guillotine. 

Pourquoi n’utilisait-il pas sa propre histoire pour délivrer son message ? On parle souvent de l’humilité des vrais héros et peut-être avait-il l’espoir que ce cartable en cuir noir servirait un jour à restituer son combat et ses actions ? Pendant toutes ces années, il a discrètement archivé ses souvenirs, avec le plus grand soin et soucieux de faciliter le travail de ceux qui exploiteraient ce matériel précieux. 

Le 11 avril 2025, soit 80 ans jour pour jour après son départ de la prison de Wolfenbüttel, cet ouvrage qui arbore son nom en lettres capitales et le matricule qui lui avait été attribué en ce même lieu, rejoindra les rayonnages de la bibliothèque du Mémorial de Wolfenbüttel. Toute sa famille sera présente sur place pour ce moment solennel et hautement symbolique. Le vieux cartable en cuir noir a livré tous ses secrets, ou presque !